Réforme et révolution chez les Musulmans de l’Empire Russe. Bukhara 1867-1924
Cote : CARR
L’Emirat de Bukhara a été le premier lieu de rencontre des deux principaux mouvements révolutionnaires du XXe siècle : celui de la révolution prolétarienne née à Pétrograd et celui de la révolution paysanne des pays coloniaux. Le 1 septembre 1920, le vieux pouvoir théocratique de l’Emir s’effondrait. L’Armée rouge installait à la tête de ce qui avait été l’Etat le plus attardé du monde musulman une équipe de nationalistes locaux, qui, trois jours auparavant s’était constituée en Parti communiste. Une si rapide adhésion au programme du Parti bolchevik et de l’Internationale communiste a pu faire oublier que ces hommes représentaient depuis longtemps un courant d’idées fondamentalement étranger au marxisme, né des conditions particulières de la société musulmane. D’abord essentiellement religieux, le réformisme des «Jeunes Bukhariotes» est très vite devenu un mouvement national, où les revendications sociales et la protestation anticolonialiste trouvaient leur expression. L’objet de l’étude entreprise dans le cadre de cet ouvrage a précisément été de suivre le cheminement de ces hommes qu’un idéal de régénération religieuse et nationale conduisit finalement dans les rangs du Parti bolchevik. Sous leur direction Bukhara offre ainsi tout à la fois l’exemple de la première révolution « marxiste » victorieuse en pays colonial et de la première « démocratie populaire ». Cet exemple ne cessera dès 1920 de hanter les dirigeants du Komintern qui y verront concrètement toutes les difficultés, tous les problèmes que pose la révolution loin des métropoles industrielles. Le refus systématique de l’U.R.S.S. de soutenir par la suite tous les mouvements révolutionnaires des pays d’Orient à direction nationale bourgeoise, parce que «prématurés», s’expliquera en partie par l’expérience de Bukhara dont Lénine avait à maintes reprises relevé la signification.
CARRÈRE D’ENCAUSSE Hélène
1966
24 x 16 cm, 312 p.
Presses de la Fondation nationale des sciences politiques