Aux sources de l’écologie du PSU
Si le terme d’ « écologie » fut assez rarement utilisé au sein de la production documentaire du PSU, sa pensée et sa déclinaison multiforme font du parti l’un des précurseurs de l’écologie politique. Cette vision novatrice l’a impliqué dans de nombreuses luttes, bien que cette participation se fasse souvent au second plan et de façon conjointe à d’autres mouvements. Ces luttes ont pu s’exprimer à la fois d’un point de vue programmatique mais également par de multiples pratiques militantes décentralisées. Elles sont à l’origine de dialogues entre le PSU et les organisations écologistes créées à partir des années 70, encourageant une forte diaspora vers le parti des Verts dès sa création.
Années 1960 : Prémices de la pensée écologique. La question du « cadre de vie »
La sensibilité environnementale du PSU n’est pas évidente au premier abord. Comprendre l’intégration des préoccupations écologiques passe nécessairement par la notion de cadre de vie. Dans un parti fortement centré sur les ouvriers naît ainsi l’idée que les mobilisations ouvrières ne s’arrêtent pas aux portes des usines. Ces luttes s’étendraient en réalité bien au-delà, justifiant par conséquent le fait de s’intéresser dès la seconde moitié des années 1960 à l’urbanisme ou encore aux transports.
Si jusqu’en 1967 la réflexion écologique est encore mince, quelques pistes de réflexions s’élaborent néanmoins. Le secteur « cadre de vie » du PSU, formé dans les années 1964-1966, réfléchit sur la gestion de la ville et de l’habitat. Cependant, celui-ci axe davantage son questionnement autour de la santé, sans faire référence explicitement aux enjeux environnementaux.
Le Ve congrès PSU de Paris (1967) constitue un premier point de départ important. Bien qu’il ne fasse pas l’objet de débat, un texte évoquant le thème de l’environnement est déposé par des urbanistes du PSU. Ce moment marque l’entrée de l’urbanisme et de l’environnement dans le débat interne du parti. La même année est fondé un premier syndicat de l’habitat pour les grands ensembles de Sarcelles.
L’intégration progressive de ces thématiques est visible à travers la documentation interne du PSU. Deux numéros de Directives, réalisés après un stage d’organisation interne sur l’urbanisme, firent ainsi explicitement référence à la question du cadre de vie.
Années 1970 : De l’intégration programmatique aux luttes écologistes
Les questions écologiques connaissent un réel tournant programmatique en 1972. Deux évènements majeurs sont à souligner : tout d’abord, le congrès de Toulouse, lors duquel sont évoqués explicitement la question du productivisme ainsi qu’une critique de la croissance. De plus, la même année connaît la publication du manifeste Contrôler aujourd’hui pour décider demain, qui constitue une étape importante pour la structuration de la pensée proto-écologiste. Emerge ainsi un nouveau vocabulaire : pollution, destruction de l’environnement, gaspillage des ressources naturelles, accaparement de la nature…
Cette rupture se poursuit par la prise en compte de ce questionnement au sein même de la structuration du PSU. Au congrès d’Amiens de 1974 est créée une commission nationale « Ecologie », qui a par la suite porté plusieurs noms. Les dossiers de cette commission sont à retrouver aux Archives Nationales de Pierrefitte-sur-Seine. De surcroît, nous pouvons noter que le PSU eut une commission agricole très active, proche du mouvement des paysans travailleurs de Bernard Lambert.
Au-delà de l’intégration programmatique, l’écologie s’est également développée au sein du PSU par le biais des pratiques militantes et des luttes. Il faut ici mentionner les Plans Alters, dont le plus célèbre fut le Plan Alter breton. Ces plans et la réflexion autour de l’énergie qui les caractérisent trouvent leur origine dans la lutte contre le nucléaire et la question de la force de frappe développée dès les années 1960 dans le contexte de la Guerre Froide. En 1963, avec la création par Claude Bourdet du Mouvement Contre l’Armement Atomique (MCAA), le PSU s’engage dans une lutte anti-nucléaire non-alignée. Le positionnement du parti en ce sens relevait notamment de la critique démocratique induite par le contrôle de l’arme nucléaire. Dans les années 1970 émerge la question du nucléaire civil, menant à une réflexion plus générale poursuivie par le congrès de Toulouse sur le productivisme et sa menace sur l’environnement. Cette lutte est symbolisée par l’ouverture de plusieurs centrales : la construction de Fessenheim dès 1971, celle du Bugey mise en service en 1972, puis l’ambitieux Plan Messmer de 1974 à l’origine du parc nucléaire français. Le PSU s’implique dans les luttes anti-nucléaires en association avec d’autres organisations écologistes ou associations de riverains.
Toutefois, les luttes environnementales du PSU ne se cantonnent pas à la question de l’énergie. Celles-ci touchent de nombreux sujets, à l’instar des enjeux liés à la pollution, à l’amiante, à l’urbanisme ou encore aux politiques agricoles. La lutte du Larzac est à ce titre emblématique du refus de prendre aux paysans leurs terres afin de les donner à l’armée.
Années 1980 : L’institutionnalisation
A partir des années 1980, alors que le PSU fait face à des difficultés électorales, l’investissement du parti sur les causes environnementales est reconnu par le biais de la nomination en 1983 d’Huguette Bouchardeau au poste de Secrétaire d’Etat à l’Environnement et au Cadre de Vie, puis par sa nomination en 1984 au Ministère de l’Environnement.
Bien que la marge d’action du Ministère de l’Environnement soit limitée, ses fonctionnaires soulignent alors les avantages d’un ministre formé aux enjeux écologiques. Huguette Bouchardeau avait ainsi pour objectif la démocratisation de l’environnement en encourageant le rôle des associations et des citoyens. Cette période participe au processus de renforcement du ministère qui gagne alors en légitimité : le nombre nombre de procédures et de fonctionnaires relevant de celui-ci augmentèrent.
Une écologie propre au PSU ?
Les débuts de l’écologie politique furent marqués par un manque de crédibilité accordé à la pensée environnementale. La volonté de ne pas être caricaturé a mené le PSU à promouvoir une pensée écologiste spécifique.
Le PSU souligne l’enjeu démocratique touchant aux luttes pour l’environnement, ce positionnement rejoignant les ambitions autogestionnaires du parti. Alors que l’aménagement du territoire est marqué par un fort autoritarisme, cette question s’applique particulièrement aux choix technologiques.
Il insiste également sur la critique du productivisme en tant que système économique favorisant la massification de la production, menant par conséquent à des nuisances et pollutions. La volonté de définir un autre modèle de développement conduit le PSU à traduire en langage politique les enjeux environnementaux. Cette démarche s’illustre tout particulièrement à travers les Plans Alters, qui ont pour objectif non seulement de s’opposer à la nucléarisation mais également de proposer un modèle de territoire et de production d’énergie. Ces projets illustrent aussi le poids de l’expertise au PSU, avec des réflexions portées notamment par le groupe de Bellevue, précurseur de ces questions et ayant ensuite permis des déclinaisons régionales. L’idée est donc de proposer un « éco-développement » qui prendrait uniquement en compte les énergies renouvelables. Ce projet implique un rapport au paysage marqué par une production d’énergie très manifeste, se traduisant notamment par un nombre important d’éoliennes et soulevant des questions en termes d’acceptabilité sociale. Ces brochures formulent également des pistes de solutions socioéconomiques à l’enjeu de l’emploi.
Plans alters
L’écologie dans la documentation du PSU
Pour en savoir plus…
Retrouvez ci-dessous les différentes interventions de la soirée du 04 avril 2014 autour du thème Le PSU, précurseur de l’écologie ? :
- Présentation par Dominique Frager
- Intervention de Meixin Tambay, archiviste du Centre Jacques Sauvageot
- Intervention d’Alexis Vrignon, maître de conférences à l’Université d’Orléans, historien des mouvements écologistes en France
- Intervention d’Alain Lipietz, économiste, ancien du PSU, député vert européen pendant dix ans
- Débat
Les entretiens Mémoires vives du PSU avec Bernard Ravenel :
A consulter également :
- Tudi KERNALEGENN, « Le PSU, laboratoire de l’écologie politique », in Noëlline CASTAGNEZ, Laurent JALABERT, Marc LAZAR, Gilles MORIN, Jean-François SIRINELLI (dir.), Le Parti socialiste unifié. Histoire et postérité, Presses universitaires de Rennes, 2013.