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Des idées pour un socialisme du XXIe siècle ?

Le syndicalisme et les travailleurs

2016-Joël DECAILLON. Syndicalisme et salariat

Le syndicalisme dans tous les pays du monde s’affaiblit et ne représentent plus les travailleurs car le statut du salariat tel qu’il était, est aujourd’hui pratiquement inexistant. Joël Decaillon observe que 75% des travailleurs sont, dans le monde, sans protection sociale, et 60% n’ont aucun contrat de travail ; la crise de 2008 a affaibli l’ensemble des syndicats de la Méditerranée. Les mutations organisationnelles de l’entreprise, aujourd’hui conçue comme globale, c’est-à-dire avec des ramifications internationales, des sous-traitants, des groupes concurrentiels mais appartenant à l’entreprise,  proposent aux travailleurs un nouveau système d’organisation, de justice sociale tant dans la protection individuelle que collective. Les accords d’entreprise prennent aujourd’hui le pas sur les accords de branche sans prendre en compte le besoin du travailleur. On peut se poser la question du qui représente aujourd’hui les syndicats. Joël Decaillon estime qu’aujourd’hui le syndicalisme ne peut plus s’organiser uniquement autour de la question de la redistribution. L’entreprise doit être perçue au sein de son environnement, dans le cadre d’une nouvelle conception du développement. Cela implique la nécessité de concevoir un nouveau type de syndicalisme, que l’éclatement syndical actuel ne favorise pas.

Syndicalisme et salariat

Depuis une vingtaine d’années, le syndicalisme a perdu de son efficacité et ne représente plus le salariat d’aujourd’hui. Il n’a pas suivi l’évolution du monde du travail. Ce constat vaut partout dans le monde et singulièrement en Europe. Il a connu en France un affaiblissement plus précoce et plus radical qu’ailleurs. Les luttes – lorsqu’il y en a – ne sont plus du seul ressort des organisations syndicales. Pour Jean-Marie Pernot la crise du syndicalisme français s’inscrit dans un cadre commun à toutes les sociétés développées : la diminution des effectifs syndicaux, les difficultés des organisations à peser sur les objectifs stratégiques, l’atomisation du syndicalisme. Ces éléments sont à mettre en rapport avec la financiarisation du monde, les mutations des systèmes productifs, le développement de la sous-traitance et de l’externalisation, la réorganisation des services, le bouleversement des identités professionnelles… D’où les difficultés du mouvement syndical fondé sur l’entreprise et les champs professionnels, et la nécessité de concevoir un avenir dans lequel les objectifs transversaux, sociétaux, devraient avoir une plus grande importance.

Jean-Marie Pernot est docteur en sciences politiques, chercheur à l’Institut de Recherches Économiques et Sociales ; il a été secrétaire général de la Fédération des finances de la CFDT.

Crimes et libertés

Pour combattre les crimes et prévenir les attentats, le gouvernement par la déclaration de l’état d’urgence a pris une décision qui menace les libertés.
Dés la promulgation de l’état d’urgence s’est posée la question de l’éventuelle « pérennité » de l’état d’urgence. En effet, on peut se demander quel gouvernement aura le courage de dire que la menace terroriste a disparu au point qu’il convient d’abandonner cette protection. Pour détourner cette question, le gouvernement propose une réforme de la Constitution y introduisant l’état d’urgence.
Nul ne sait ce qu’il adviendra finalement de cette réforme mais ce qui est certain c’est que les voix de ceux qui s’accrochent aux principes fondamentaux de la République sont bien faibles. Si nous ne trouvons pas les mots pour engager un dialogue avec ces milliers de jeunes français qui sont aujourd’hui identifiés comme étant partis faire le Jihad, si nous n’essayons pas de comprendre pourquoi ils sont partis et continuons à dresser des murs autour des populations pauvres, ostracisées, à exclure ces jeunes dont la religion est un repaire identitaire, si de surcroît nous en faisons des suspects, alors nous ouvrirons la porte à plus de crimes et au recul de la démocratie.

A la Une Tribune Socialiste

Les Unes de Tribune Socialiste 1960-1983

A la Une ! présente les couvertures de 1960 à 1982 de Tribune Socialiste, l’hebdomadaire du Parti Socialiste Unifié (PSU) vendu par des milliers de militants et sympathisants, qui a défendu les idéaux du socialisme.
On en donne ici l’illustration par la variété des couver­tures présentées, qui constituent autant de jalons d’une mémoire vivante.

Bernard Langlois, Rédacteur en chef de Tribune Socialiste dans les années 1972-1974, apporte dans la préface, son témoignage chaleureux en évoquant son expérience militante et l’ambiance de la rédaction de l’hebdomadaire.

Denis Sieffert, Directeur de Politis, expose en post­face des éléments sur la situation présente de ce jour­nal et de la presse politique d’aujourd’hui confrontée à de nombreuses difficultés, notamment dans cette période particulière de transition vers le numérique.

Editions Bruno Leprince, Décembre 2015 – 108 pages Format 17 x 12 cm Illustrations N& Couleurs – 7€

Les débats de l’ITS, 2 « Précarités »


Couverture Débats ITS N°2, Décembre 2015

Le premier numéro des « Débats de l’ITS » était consacré à une première approche de la crise de la démocratie : « les dimensions de la démocratie ».

Ce second numéro est consacré aux précarités.

Denis Clerc montre comment la précarité de l’emploi, du travail et des droits aboutit au développement d’une « pauvreté laborieuse » ; ce n’est plus seulement l’insuffisance des emplois qui engendre la pauvreté, mais la mauvaise qualité de ceux qui se créent.

Margaret Maruani observe que l’emploi féminin croît en fait à l’ombre du chômage et de la précarité, que le processus de prolétarisation se prolonge au-delà du temps de travail : les écarts de revenus entre les femmes et les hommes sont encore plus importants à l’âge de la retraite qu’en période d’activité.

Hélène Crouzillat raconte comment elle est tombée dans le trou de la Sécurité Sociale ; elle fait partie de cette population « intersticielle » pour laquelle les filets de la protection sociale sont distendus.

Les migrants sont encore plus précaires que d’autres. Catherine Wihtol de Wenden nous rappelle que le droit à la mobilité doit être considéré comme un droit de l’homme, et que les droits doivent être égaux pour ceux qui sont sédentaires comme pour ceux qui sont mobiles.

Enfin, Sophie Béroud pose la question de l’élargissement des luttes dans l’espace et dans la durée. Pour elle, les syndicats, organisés jusqu’à présent sur la base de l’entreprise, sont confrontés à la nécessité de redéfinir leurs terrains d’intervention, leurs modes d’action, leurs structures.

statistiques et couches sociales

Que peuvent nous dire les statistiques, les chiffres, sur l’évolution de la population française, et notamment sur l’évolution des couches sociales.
L’Institut National de la Statistique et des Études Économiques propose une nomenclature des différentes professions et catégories professionnelles. L’évolution de ces catégories aux cours des cinquante dernières années a été considérable, et l’on peut penser que les nouvelles formes de production et d’organisation du travail amplifieront ce phénomène.
Ce classement comporte forcément une part d’arbitraire ; de plus, il est limité à la sphère professionnelle et ne dit rien sur les relations qu’entretiennent les différents groupes sociaux.

Si on peut s’interroger sur la notion de classes sociales, les « espaces sociaux », les groupes sociaux, n’ont pas pour autant disparu et peuvent être définis autrement qu’à travers la profession : en prenant en compte non seulement le travail mais aussi le mode de vie, les statuts, les ressources culturelles, l’habitat…, étant entendu qu’au delà des situations objectives on peut aussi observer des consciences communes dans la manifestation des revendications, le développement des mouvements et des luttes.

Hervé Le Bras est démographe et historien, directeur de recherches émérite à l’INED (Institut National d’Études Démographiques), et directeur d’étude à l’EHESS (École des Hautes Études en Sciences Sociales). Dernières publications : Le mystère français (avec Emmanuel Todd, Le Seuil, 2013), L’Atlas des inégalités. Les Français face à la crise (Autrement, 2014), Le pari du FN (Autrement, 2015)

Elections, statistiques et inégalités

Au lendemain du premier tour des élections régionales, Hervé Le Bras interroge les cartes et statistiques notamment autour du vote FN. Il observe que la carte de ces élections ne se différencie guère de la carte des présidentielles de 2012, et que, par rapport aux départementales de mars 2015, le vote de décembre a plutôt sanctionné la droite que la gauche. Le Front National a augmenté là où il était déjà fort, et l’on peut observer que les communes qui votent FN sont celles où il y a le plus de sédentaires : le vote FN est plus une affaire de sentiment, de rumeur, que d’idéologie.
Quand on regarde la carte des inégalités régionales (prenant en compte les revenus des plus pauvres, le taux de chômage, les jeunes de 24 à 34 ans sans diplôme, les familles monoparentales, le rapport entre les riches et les pauvres) on voit que cette carte et celle des votes du Front National se ressemblent beaucoup. Ce qui ne veut pas dire que ce sont les plus pauvres qui votent pour le FN, mais plutôt ceux qui ont peur de tomber dans la pauvreté ou ont le sentiment qu’ils vont être bloqués.

Hervé Le Bras est démographe et historien. Il vient de mettre à jour l’Altas des Inégalités. Les Français face à la crise et de publier Le pari du FN”.

Hervé Le Bras est démographe et historien. Il vient de mettre à jour l’“Altas des Inégalités. Les Français face à la crise” et de publier “Le pari du FN”. Au lendemain du premier tour des élections régionales, il observe que la carte de ces élections ne se différencie guère de la carte des présidentielles de 2012, et que, par rapport aux départementales de mars 2015, le vote de décembre a plutôt sanctionné la droite que la gauche. Le Front National a augmenté là où il était déjà fort, et l’on peut observer que les communes qui votent FN sont celles où il y a le plus de sédentaires : le vote FN est plus une affaire de sentiment, de rumeur, que d’idéologie.
Quand on regarde la carte des inégalités régionales (prenant en compte les revenus des plus pauvres, le taux de chômage, les jeunes de 24 à 34 ans sans diplôme, les familles monoparentales, le rapport entre les riches et les pauvres) on voit que cette carte et celle des votes du Front National se ressemblent beaucoup. Ce qui ne veut pas dire que ce sont les plus pauvres qui votent pour le FN, mais plutôt ceux qui ont peur de tomber dans la pauvreté ou ont le sentiment qu’ils vont être bloqués.

Les transformations des métiers

Peut-on encore parler de « métiers » ? Sous l’effet de causes multiples et sans les hiérarchiser les « métiers » ont évolué: évolution des normes internationales, évolutions des techniques, transformations dans la gestion et le fonctionnement des entreprises et dans la structure des emplois, élévation des qualifications professionnelles, concurrence globalisée entre producteurs et approfondissement de la division du travail, nouveaux modes de conception et de fabrication … Jusqu’à quel point les métiers ont changé ?

Michèle Descolonges est sociologue, rattachée au LIED (laboratoire interdisciplinaire des énergies de demain), Paris 7. Elle a publié notamment : Des travailleurs à protéger. L’action collective au sein de la sous-traitance, Paris, Hermann-Adapt, 2011 ; avec Bernard Saincy (dir.), Les nouveaux enjeux de la négociation sociale internationale, La Découverte, 2006 ; Qu’est-ce qu’un métier ?, PUF, 1996. Elle a coordonné le n° 50 de la revue Écologie & Politique sur le thème « Syndicats et transition écologique » (mars 2015).

Dominique Gillier, syndicaliste, a été militant dans la métallurgie,  membre du Bureau national confédéral de la CFDT, Secrétaire général de la Fédération générale CFDT de la métallurgie (FGMM) ; il est membre du Conseil économique social et environnemental et chargé de mission à la confédération CFDT.

Journée d’études Maitron – PSU

L’Institut tribune Socialiste et le Dictionnaire MAITRON organisent en commun une journée d’études sur « le PSU dans le MAITRON » afin d’aider au recensement des acquis du corpus des militants PSU dans le Maitron et de mettre en valeur les enseignements méthodologiques des publications et initiatives qui se sont développées ces dernières années en matière d’histoire et de témoignages sur le PSU et ses militants ; cette journée d’études permettra de valoriser le travail de mobilisation des sources et matériaux ainsi réunis.

PROGRAMME DE LA JOURNÉE 

9h30 : Ouverture : Michel Mousel, Président de l’ITS : l’ITS et son appui à l’histoire du PSU ; Claude Pennetier, Directeur du MAITRON : la place des militants PSU dans le Maitron 1940/68.

10h : François Prigent, Université de Rennes, Centre de recherches historiques de l’ouest (CERHIO, UMR 6258)     : l’évolution historiographique récente du regard sur le PSU ; discutant : Rémi Lefebvre, chercheur au CERAPS (Lille 2), professeur de sciences politiques à l’université de Lille 2.

Débat

11h15 : Jean-Claude Gillet, Professeur honoraire des universités : monographies de fédérations départementales du PSU.

Vincent Porhel, MCF histoire contemporaine Université Lyon 1-ESPE UMR LARHRA : les engagements pluriels des militants du PSU .

Débat et interventions de correspondants et membres des régionales du Maitron, notamment Didier Bigorgne (les militants ardennais du PSU 1971/1989), André Balent (Languedoc-Roussillon), Pierre Boulay (militants alsaciens), ….

12h30-14h : buffet sur place

14h : Gilles Morin, chercheur associé au Centre d’Histoire Sociale du XXème siècle : état des lieux des archives PSU ; Jacques Sauvageot, Secrétaire général de l’ITS : les dépôts d’archives de militants PSU à l’ITS.

Débat sur les archives PSU nationales, locales et individuelles.

15h : Gilles Morin : quelques caractéristiques d’un fichier nominal.

15h15 : Thibault Tellier, Professeur d’Histoire contemporaine à l’Institut d’études politiques de Rennes : Le PSU et le militantisme urbain.

Débat

16h45 : Rémi Lefebvre : observations sur les principaux enseignements de la journée ; vers un corpus PSU plus développé

17h : interventions de clôture de Claude Pennetier et Michel Mousel.

 

Travail féminin : les dommages de la précarité

Réfléchir et explorer la situation du travail féminin c’est avant tout se plonger dans la réalité de la précarité et de ses conséquences sur les conditions de vie, plus particulièrement des femmes. La précarité du travail et de l’emploi est une réalité sociale envahissante et multiforme. C’est une question sociale essentielle. Elle touche les femmes plus que les hommes et elle les touche par des voies différentes. La précarité est le fil rouge pour comprendre le paradoxe de la place des femmes dans le monde du travail contemporain. Margaret Maruani explique que la précarité est productrice de discriminations en tous genre. Elle vient re-créer des écarts, des inégalités, des disparités : entre hommes et femmes et entre les femmes elles mêmes. L’auteur envisage trois axes de réflexion et d’analyse :
1. Les précarités masculines et féminines : les formes de précarité qui affectent les hommes comme les femmes, mais de manière différente ;
2. Les précarités réservées aux femmes ; Configurations européennes – l’exception française
3. Le résultat des courses : pauvreté, sous-emploi, bas salaires et petites retraites.

Margaret MARUANI, née à Tunis, est une sociologue française, directrice de recherche au CNRS. Elle dirige la revue Travail, genre et sociétés depuis sa fondation en 1999 ainsi que le Réseau de recherche international et pluridisciplinaire MAGE «Marché du travail et genre». Elle a, notamment, écrit : Travail et emploi des femmes et dirigé : Travail et genre dans le monde. L’état des savoirs.

Quelles stratégies syndicales face à la précarisation de l’emploi et du travail ?

Les stratégies syndicales sont remises en cause par le processus de précarisation et de mutation de l’emploi. Il  est de plus en plus difficile pour le syndicat de représenter l’ensemble du salariat et en particulier les segments les plus fragilisés de celui-ci du fait de la sous-traitance, de l’externalisation du travail  ou de ce qui se passe dans les grandes entreprises publiques ou privées telle la Poste. Le mouvement syndical contemporain est particulièrement désarmé face à l’éclatement des statuts d’emploi et des statuts juridiques au sein de ce qui constitue, de fait, une même communauté de travail et ne peut évoluer aussi vite qu’il le serait souhaitable, même si des réponses commencent à exister. Ce nouveau contexte oblige à repenser une nouvelle structuration syndicale, sur le modèle du syndicalisme d’entreprise comme la CGT par exemple ou par le lancement et l’animation de nouvelles structures syndicales adaptées au périmètre d’un site de production ou d’une zone commerciale incluant parfois des structures publiques. Si des réponses – du côté de l’adaptation des structures syndicales ou du lancement de campagnes ciblées – commencent à exister face au processus de précarisation et aux multiples déstabilisations qu’il induit, celles-ci demeurent encore  trop limitées pour modifier de façon substantielle le rôle du syndicalisme auprès des salariés précaires.

Sophie Béroud  est maître de conférence de science politique à l’Université Lumière Lyon 2. Elle travaille sur les transformations des organisations syndicales, l’organisation et la mobilisation des salariés précaires, l’évolution des grèves et des conflits du travail. En 2009 elle a co-dirigé Quand le travail se précarise, quelles revendications collectives? (La Dispute)

Pauvreté laborieuse, fruit de la précarité

La pauvreté laborieuse est le résultat des différentes évolutions du marché de l’emploi. Le travailleur pauvre est celui qui travaille à un salaire très bas, ou sur des temps très partiels et/ou temporaires, en constant renouvellement, avec des périodes de non travail et, enfin,  qui assure le seul revenu de  la famille. Denis Clerc explicite ces évolutions et fait le constat de la précarité installée et durable. Il souligne que la pauvreté laborieuse masque une réalité sociale majeure : le dualisme d’une société dans laquelle une partie de la population est sous-prolétarisée, exclue socialement,  parce qu’elle ne dispose pas des armes de plus en plus nécessaires pour affronter le marché du travail. Il constate la multiplication des emplois précaires, la diminution des emplois ne nécessitant pas de grandes qualifications, le coût élevé des services telles les gardes d’enfant et du même coup, l’impossibilité d’un deuxième emploi. Enfin il dénonce l’échec du système éducatif qui fonctionnant par écrémage engendre un laminage social avec pour conséquence le développement des revendications à court terme (défense des revenus) au détriment de la solidarité dont les exclus auraient besoin.

Denis CLERC est économiste, fondateur de la revue Alternatives économiques, et de L’économie politique. Il est membre de l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale et Président de la FNARS Franche-Comté (une fédération d’associations s’occupant d’hébergement et d’insertion économique). Il a publié récemment : La paupérisation des Français (Colin, 2010) et Déchiffrer l’économie (La Découverte, 2007-2011).

Militer aujourd’hui ?

Militer aujourd’hui ? Assiste-t-on à la fin du militantisme ? A entendre les discours généralement tenus, le repli sur soi serait un trait spécifique de notre époque et les militants seraient aujourd’hui une espèce en voie de disparition,  les jeunes se détourneraient de la politique.
Annick Coupé et Jacques Ion ne partagent pas ce diagnostic ; à partir de leurs observations et de leur vécu, ils s’interrogent sur les nouvelles modalités de mobilisations, sur la nécessité de repenser les notions de citoyenneté et de politique.

Jacques ION est sociologue, ancien directeur de recherches au CNRS, membre du Centre de recherches et d’études sociologiques appliquées de la Loire (Crésal). Il a notamment publié La Fin des militants ? (L’Atelier, 1997), Militer aujourd’hui (avec Spiros Franguiadakis et Pascal Viot, Autrement, 2005), Politiques de l’individualisme (avec François de Singly et Philippe Corcuff, Textuel, 2005) et S’engager dans une société d’individus (Armand Colin, 2012).

Annick COUPÉ a une longue histoire militante, politique, syndicaliste, et féministe. Etudiante à la Faculté des Lettres de Caen, elle décide, dans les années 70, d’arrêter ses études pour « s’établir » comme caissière dans un supermarché ; puis elle est enseignante en école maternelle, et, assez longtemps, employée aux services financiers de la Poste. Après avoir été responsable CFDT, elle a été co-fondatrice de la fédération SUD-PTT, et porte-parole (jusqu’en 2014) de l’Union syndicale Solidaires. Elle a impulsé des journées intersyndicales Femmes.

Les classes moyennes aujourd’hui

La dénomination « classes moyennes » ne peut être associée d’emblée à un ou des groupes sociaux précis. Elle incarne l’entre-deux entre les classes supérieures et les classes populaires. Les enquêtes d’autopositionnement (dans lesquelles on demande aux personnes interrogées à quelle catégorie sociale elles pensent appartenir) comme les études fondées sur les revenus ne permettent pas de bien saisir la réalité. Les approches à partir des professions et catégories socioprofessionnelles permettent de mieux définir des groupes et des catégories ayant une certaine homogénéité sociale dans cette constellation multipolarisée que constituent les couches moyennes. Dans les années 1980, on les a souvent présentées comme porteuses d’aspirations essentiellement culturelles. Aujourd’hui les médias en parlent pour évoquer la « panne de l’ascenseur social » dont ce groupe serait victime et la dévalorisation professionnelle qu’il subirait ; ce qui est sans doute excessif.
Serge Bosc a enseigné la sociologie à l’université Paris-VIII-Saint-Denis et travaille depuis les années 1990 sur les transformations du système des classes sociales dans la société française.

Les classes moyennes aujourd’hui

La dénomination « classes moyennes » ne peut être associée d’emblée à un ou des groupes sociaux précis. Elle incarne l’entre-deux entre les classes supérieures et les classes populaires. Elle renvoie, plus qu’à des attributs « moyens » comme le revenu, à une constellation de profils sociaux, certains peu visibles, d’autres pourvus d’une identité forte : place dans la hiérarchie, niveau de diplôme, sentiment d’identité sociale, etc…

Dans les années 1980, on les a souvent présenté comme porteuses d’aspirations essentiellement culturelles. Aujourd’hui les médias en parlent pour évoquer la « panne de l’ascenseur social » dont ce groupe serait victime et la dévalorisation professionnelle qu’il subirait.

Les classes moyennes sont-elles en crise ? Ont-elles un potentiel contestataire ou innovant ?

Serge BOSC a enseigné la sociologie à l’université Paris-VIII-Saint-Denis. Il travaille depuis les années 1990 sur les transformations du système des classes sociales dans la société française. Il est l’auteur de « Stratification et classes sociales » (Armand Colin, 2004) et de « Sociologie des classes moyennes » (La Découverte, 2008).

Stéphanie VERMEERSCH est chargée de recherche en sociologie urbaine au CNRS, et co-directrice du Lavue, unité de recherche CNRS associée aux Université de Nanterre et Saint-Denis, ainsi qu’aux Ecole d’architecture de la Villette et Val de Seine.  Elle a publié,  avec Marie-Hélène Bacqué, Changer la vie ? Les classes moyennes et l’héritage de Mai 68 (Editions de l’Atelier, 2007), ainsi que plusieurs articles sur la thématique des classes moyennes (revues Espaces et sociétés, Sociétés Contemporaines, Sociologie et sociétés…).

Les classes moyennes

Stéphanie Vermeersch

La question des classes moyennes est abordée par Stéphanie Vermeersch au travers de son travail de sociologue sur une opération d’habitat autogéré dans la région d’Angers, sur des zones ZUP en banlieue parisienne, et, en Angleterre, dans la région londonienne. Son travail se développe à partir d’entretiens, de parcours de vie, notamment autour de la question du logement. Ses enquêtes ne lui donnent pas le sentiment que les couches moyennes se sentiraient « à la dérive » : elles sont dominées dans certains domaines, mais peuvent « tirer leur épingle du jeu » dans d’autres domaines, à la différence des classes populaires qui sont toujours dominées, et des classes supérieures toujours dominantes. Aujourd’hui encore, elles peuvent être porteuses de projets, mais dans une perspective qui n’apparaît pas forcément, aux yeux des générations plus jeunes, comme ce qui aurait été qualifié dans les années 70-80 de « politique ».

Stéphanie Vermeersch est chargée de recherche en sociologie urbaine au CNRS, et co-directrice du Lavue, unité de recherche CNRS associée aux Université de Nanterre et Saint-Denis, ainsi qu’aux Ecoles d’architecture de la Villette et Val de Seine.

Indépendance, précarité et société salariale

Le terme précarité est utilisé pour décrire des phénomènes sociaux divers : temps partiels, CDD, travail intérimaire, chômage… Il désigne des discontinuités subies (des conditions d’emploi dégradées), ou négociées (la recherche d’un travail non totalement subordonné), et témoigne donc des crises de la société salariale. C’est un processus en expansion qui s’étend au delà des classes populaires et touche les classes moyennes.

Face à ce phénomène ambivalent, comment repenser les luttes et le droit du travail ? Quelles configurations militantes et syndicales peuvent contribuer à créer de nouvelles solidarités ?

Patrick Cingolani est professeur à l’Université Paris Diderot. Il a collaboré à la revue Les Révoltes Logiques et participé à la revue Tumultes. Il s’intéresse notamment au travail précaire et à la pauvreté, aux mouvements sociaux (chômeurs et précaires). Il a publié récemment : « Révolutions précaires. Essai sur l’avenir de l’émancipation » (2014, La Découverte), et « La précarité » (2015, PUF, Que sais-je).

Indépendance, précarités et société salariale

Le travail précaire, le désir d’indépendance par rapport à la société salariale est l’objet de l’étude de Patrick Congolani. Ses réflexions se fondent sur une enquête réalisée auprès d’une centaine de plus ou moins jeunes travailleurs des « nouvelles professions »(principalement dans le secteur culturel : graphiste, pigiste, infographiste, informaticien etc..). La précarité peut désigner aussi bien des discontinuités subies (des conditions d’emploi dégradées) que négociées au travers de la recherche d’un travail non totalement subordonné. C’est ce second aspect qu’il développe ici, en réinterrogeant les relations de travail au-delà d’un discours traditionnel sur l’aliénation. Il montre les ambivalences de la recherche d’autonomie, de valorisation, du refus de subordination, qui n’exclut dans les faits ni la souffrance au travail, ni l’exploitation, la concurrence, et qui repose souvent sur de nouvelles formes de solidarité familiale. Ce processus de « précarisation » est en expansion. Il nous faut donc repenser la question des relations de travail, dépasser une vision centrée sur l’emploi, et penser davantage en terme de travail, d’activité, et reposer, dans le même temps, la question du revenu du travail. Ce qui implique sans doute de nouvelles formes de mobilisation associant travailleurs, usagers, habitants …

Patrick Cingolani est professeur à l’Université Paris Diderot. Il a collaboré à la revue Les Révoltes Logiques et participé à la revue Tumultes. Il s’intéresse notamment au travail précaire et à la pauvreté, aux mouvements sociaux (chômeurs et précaires). Il a publié récemment : « Révolutions précaires. Essai sur l’avenir de l’émancipation » (2014, La Découverte), et « La précarité » (2015, PUF, Que sais-je).

Patrick Cingolani est professeur de sociologie à l’Université Paris Diderot. Il travaille, notamment, sur la précarité. qui peut désigner aussi bien des discontinuités subies (des conditions d’emploi dégradées) que négociées (la recherche d’un travail non totalement subordonné). C’est ce second aspect qu’il développe ici, en réinterrogeant les relations de travail au-delà d’un discours traditionnel sur l’aliénation. Ses réflexions se fondent sur une enquête réalisée auprès d’une centaine de plus ou moins jeunes travailleurs des « nouvelles professions ». Il montre les ambivalences de la recherche d’autonomie, de valorisation, du refus de subordination, qui n’exclut dans les faits ni la souffrance au travail, ni l’exploitation, la concurrence, et qui repose souvent sur de nouvelles formes de solidarité familiale. Ce processus de « précarisation » est en expansion. Il nous faut donc repenser la question des relations de travail, dépasser une vision centrée sur l’emploi, et penser davantage en terme de travail, d’activité, et reposer, dans le même temps, la question du revenu du travail. Ce qui implique sans doute de nouvelles formes de mobilisation associant travailleurs, usagers, habitants …

Bons réfugiés ou mauvais migrants …

« Il n’y a pas de bons réfugiés ou de mauvais migrants, il n’y a que des migrants politiques » dit Emmanuel Terray lors d’un entretien réalisé par Nadjib Touaibia pour l’Humanité Dimanche. Anthropologue de renom, Emmanuel Terray a été en première ligne dans la défense des sans papiers expulsés de l’église Saint-Bernard à Paris, en 1996. Aujourd’hui face aux questions de l’accueil des migrants en Europe, il dénonce la logique de l’Occident « maître du monde », responsable des flux migratoires dramatiques, et montre que la réponse de l’Europe reste très en dessous des enjeux et indigne des défis auxquels elle est confrontée. Pour lui, le problème ne date pas d’hier, cela fait des années que des réfugiés se noient en Méditerranée ou en mer Égée. L’Europe a beaucoup tardé à prendre la mesure exacte de la situation. Quant à la distinction faite par les maires ou la presse entre les bons et les mauvais migrants, ceux qui fuient la guerre ou qui viennent pour des raisons économiques, Emmanuel Terray a pris l’habitude de répondre qu’il n’y a que des migrants politiques. Les migrations sont dues, d’une part, aux guerres décidées par les grandes puissances et d’autre part au maintien par l’Occident de régimes autoritaires et corrompus et, enfin plus particulièrement pour l’Afrique, aux accords de libre échange que l’UE impose et qui ruinent l’agriculture et condamnent les paysans à l’exil. Nous sommes face à des conséquences somme toute logiques, à des effets de politiques bien déterminés.

Démocratiser la démocratie

Le terme démocratie est devenu complètement banalisé servant à couvrir à peu près toutes les politiques intérieures et extérieures et l’exténuation des capacités traditionnellement associées avec la figure du citoyen. La crise du libéralisme ramène directement aux rapports de la citoyenneté et de la démocratie.

Démocratiser la démocratie suppose une conception critique de la citoyenneté qui peut s’articuler autour de plusieurs propositions : la transformation nécessaire est un processus sans cesse recommencé qui doit transgresser les limites et les formes institutionnelles reconnues, s’appuyer sur l’invention et pas seulement la résistance. C’est un travail des citoyens sur eux-mêmes, une lutte sur plusieurs fronts, où l’insurrection est la modalité active de la citoyenneté : une radicalité alternative et incertaine.

Etienne BALIBAR, philosophe, est professeur émérite de l’Université Paris Ouest Nanterre, et Distinguished Professeur of Humanities à l’Université de Californie à Irvine. Ancien adhérent du Parti communiste, il est membre de la Ligue des droits de l’homme. Ses nombreux ouvrages et articles sont principalement consacrés à la philosophie politique ; il est le philosophe des contradictions internes.

Il a notamment publié : Lire le capital (en collaboration avec Louis Althusser, Pierre Macherey, Jacques Rancière, Roger Establet), 1965, PUF ; Les frontières de la démocratie, 1992, La Découverte ;  Europe, constitution, frontière, 2005, Ed. du Passant ; Violence et civilité, 2010, Paris, Galilée ; La proposition de l’égaliberté, 2010, Paris, PUF.

Voir et savoir la contradiction des égalités

Comment penser l’égalité des sexes en échappant aux pièges de l’identité des sujets ou des normes de la domination ? Sans aucun doute il ne faut pas que penser, mais aussi se poser la question du comment penser ? Car le vrai problème est celui de l’historicité, face à la volonté répétée de mettre les sexes hors du temps politique. Que le monde soit sexué oblige à reconnaître la contradiction démocratique qui s’attache toujours à l’égalité des sexes. Reste à éclairer cette contradiction avec de nouveaux outils conceptuels, ceux qui nomment ces difficultés comme autant de tentatives pour fabriquer «leur» histoire.

Geneviève FRAISSE est philosophe et historienne de la pensée féministe. Directrice de recherches émérite au CNRS, elle a dispensé à Sciences Po un cours de philosophie Pensée des sexes et démocratie  dans le cadre de PRESAGE (Programme de recherche et d’enseignement des savoirs sur le genre). Elle a été déléguée interministérielle aux droits des femmes de 1997 à 1998 et députée au parlement européen de 1999 à 2004, élue sur la liste Bouge l’Europe !  menée par Robert Hue.
Elle a publié, notamment, Muse de la raison, démocratie et exclusion des femmes  (1989, Folio-Gallimard 1995), Les femmes et leur histoire  (1998, Folio-Gallimard, 2010),  Les deux gouvernements : la famille et la cité  (Folio, Gallimard, 2000), Du Consentement  (Seuil, 2007),  A côté du genre, sexe et philosophie de l’égalité , Le bord de l’eau, 2010), Les excès du genre : concept, image, nudité  (Editions Lignes, 2014)

Le déclin électoral des partis de gouvernement et le rapport des citoyens à la politique

L’analyse des résultats des élections législatives dans 15 pays d’Europe occidentale depuis 1970 montre un déclin des partis gouvernementaux, qu’il s’agisse de la social-démocratie ou de la droite modérée, déclin compensé par la progression des écologistes et de la droite radicale. On observe également une volatilité électorale croissante, et une participation en diminution. Pourquoi ? Deux facteurs se conjuguent pour expliquer ce phénomène : les électeurs ont de plus en plus d’attentes, une vision de plus en plus consumériste de la politique, au moment où, avec le ralentissement de la croissance économique, les gouvernements ont de moins en moins la capacité de développer une politique basée sur le partage des fruits de la croissance.

L’affaiblissement des grandes forces politiques n’est pas sans conséquence sur le fonctionnement des systèmes politiques occidentaux, qu’ils soient poussés à la polarisation ou aux coalitions. Ce qui n’est pas sans problème d’autant que la baisse du taux de croissance semble devoir perdurer…

Pierre MARTIN, politologue, chargé de mission à la FNSP, est Ingénieur de recherches CNRS au laboratoire PACTE ; il enseigne à l’Institut d’études politiques de Grenoble où il anime un groupe de recherches « Élections et Partis ». Spécialiste des élections et des systèmes partisans, il a publié « Le déclin des partis de gouvernement en Europe »In Revue  Commentaire, automne 2013, et  avec Florent Gourou, « Gauche, droite et vote populaire » In Commentaire, printemps 2014.

L’Union européenne ou l’impensé démocratique

Si, initialement, le Marché Commun se présentait comme uniquement la mise en commun de marchés essentiellement nationaux, un tournant fondamental s’est opéré dans les années 80-90 avec le développement d’un marché européen unifié. Le droit de la concurrence, inscrit au coeur de différents traités, a abouti à un droit normatif, véritable droit constitutionnel avant la lettre, qui réduit les autres textes européens à des déclarations d’intention sans portée opérationnelle pratique : l’administration des choses remplace celle des hommes, les pouvoirs sont de plus en plus confus, la charte des droits fondamentaux n’est qu’un trompe-l’oeil. D’où une Europe anti-démocratique et néo-libérale, la mise en place, de fait, d’un fédéralisme autoritaire. Pour que l’Union Européenne devienne un espace où la notion de souveraineté populaire ait un sens, de nombreux obstacles politiques restent à franchir.

Pierre KHALFA est syndicaliste, membre du Conseil économique, social et environnemental au titre de Solidaires, co-président de la Fondation Copernic et membre du Conseil scientifique d’ATTAC, co-auteur du livre  Que faire de l’Europe ?, Editions Les liens qui libèrent, avril 2014.

Les Débats de l’ITS

Couverture Débats de l'ITS

Les Débats de l’ITS – revue trimestrielle – entendent contribuer à la réflexion pour penser des alternatives au système dominant : comment analyser les mouvements économiques et sociaux qui transforment en profondeur la société, quels sont les acteurs des changements possibles et nécessaires, quelles sont les voies nouvelles de pratiques politiques associant différentes formes d’organisations et de mouvements, sur quels objectifs et dans quelles perspectives ?

Le premier numéro des Débats de l’ITS propose quelques pistes pour une réflexion qui traversera en fait l’ensemble des thèmes qui seront abordés dans les numéros à venir : la précarité, les inégalités, les liens sociaux, les transformations du travail, les objectifs et les modes de production, la laïcité…

Les contributions de Pierre Martin (Le déclin électoral des partis de gouvernement et le rapport des citoyens à la politique) et de Pierre Khalfa (L’Union Européenne ou l’impensé démocratique) ne sont pas uniquement des constats. Elles resituent le problème dans un champ plus large que celui d’un cadre apparemment institutionnel ; la vision «européenne» offre à cet égard un champ de réflexion dont l’importance apparaît aujourd’hui avec force. Geneviève Fraisse (Voir et savoir la contradiction des égalités) pose la question de la démocratie et de l’égalité des sexes. Pour Etienne Balibar, il faut (démocratiser la démocratie). L’insurrection qu’il propose, c’est le mouvement, la recherche, pour l’émancipation collective, à l’opposé des garanties constitutionnelles du libéralisme.

Le PSU et la guerre d’Algérie

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  • Fait avec Padlet
  • Le groupe de travail « Algérie » de l’Institut Tribune Socialiste, qui regroupe des anciens membres ou sympathisants du Parti Socialiste Unifié intéressés par cette thématique, a fait un double constat :
  • – l’opposition à la guerre d’Algérie est un des éléments fondateurs du PSU qui s’est beaucoup investi dans ce combat  et dans les années qui ont suivi l’indépendance;
  • – de nombreuses questions posées par l’indépendance de l’Algérie restent d’actualité: racisme, décolonisation, importance de l’Islam, nationalisme arabe, statut de la femme, etc.
  • Il a donc souhaité recueillir les témoignages écrits et filmés de militants dont le parcours a croisé à la fois la guerre d’Algérie ( participation à la guerre, refus de la guerre, luttes pour la paix et l’indépendance, aide au FLN et aux insoumis, coopération…) et le PSU (avant, pendant ou après la guerre) . En les interrogeant aussi sur leurs appréciations actuelles de la politique en France et en Algérie…et sur l’état de leurs engagements d’aujourd’hui.

La pauvreté et les territoires

Les habitants des quartiers populaires cumulent les difficultés sociales et sont tout particulièrement confrontés à un déficit de représentation politique. Face à l’incapacité des partis de gouvernement à répondre aux réalités sociales vécues par les classes populaires et moyennes, aux déchirements de la gauche radicale, à l’omniprésence du FN dans le débat public, la défiance et l’hostilité se sont durablement installées. Peut-on dans ce contexte ne pas désespérer du politique ?

Michel Kokoreff est professeur de sociologie à l’université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis et directeur adjoint du Centre de recherches Sociologiques et Politiques de Paris (CRESPPA, UMR CNRS 7217). Il a notamment publié La Force des quartiers, Paris, Payot, 2003, Sociologie des émeutes, Paris, Payot, 2008, Une France en mutation, Payot, 2012 (avec Jacques Rodriguez) et Refaire la cité. L’avenir des banlieues, La République des idées/Le Seuil, 2013 (avec Didier Lapeyronnie).

Evelyne Yonnet, militante socialiste (au PSU puis au Parti socialiste) a toujours milité à Aubervilliers. Elle a été conseillère générale du canton d’Aubervilliers-Est de 2004 à 2011, 1ère adjointe à la mairie d’Aubervilliers de 2008 à 2014, chargée de la santé, de l’habitat insalubre et des ressources humaines. Elle est actuellement conseillère municipale d’opposition, et sénatrice de la Seine-Saint-Denis, membre de la Commission des affaires sociales.

Paupérisation, discrimination des quartiers populaires

La paupérisation et la discrimination sont un fait dans les quartiers populaires appelés pudiquement « ZUS », Zones urbaines sensibles ou quartiers prioritaires. La pauvreté s’est accentuée dans ces territoires, elle est également très prononcée dans les camps de migrants ou zones de non droit dans les périphéries où les discriminations, la xénophobie et le racisme y sont plus marqués qu’ailleurs. Il est nécessaire d’aller au-delà du caractère réducteur des images des banlieues pour faire une analyse de la complexité des situations locales. Le diagnostic de la situation est pessimiste car on constate qu’en trente ans de politique publique en faveur de ces territoires, celles-ci n’ont pas réussi à entraver les processus de paupérisation, de ghettoïsation ; action sociale et rénovation urbaine ont du mal à s’accorder. Comment agir, ouvrir des possibles ? Des pistes existent, qui supposent de mettre l’accent plus sur les objectifs que sur les débouchés : l’important devrait être d’abord de « faire avec » en reconnaissant en premier lieu ces populations, en leur donnant les moyens d’expression et de formation.

2015 – Michel KOKOREFF Paupérisation, discrimination des quartiers populaires : où en est-on aujourd’hui ?

Aubervilliers, un territoire lieu d’actions

Peu éloignée du centre de Paris, Aubervilliers est une ville populaire (76.800 habitants), avec un passé industriel important, qui semble aujourd’hui cumuler les difficultés : populations pauvres, chômage élevé, habitat dégradé, échecs scolaires, problèmes de santé . Aubervilliers est un voyage permanent avec 97 nationalités différentes sur son territoire.
Evelyne Yonnet y milite depuis longtemps. Conseillère municipale (aujourd’hui d’opposition), sénatrice, elle a fait partie de l’équipe municipale animée par Jacques Salvator, qui, de 2008 à 2014, a voulu « tirer Aubervilliers vers le haut », avec une population dont la diversité a été considérée comme un levier : éradication de l’habitat indigne, développement d’accès aux soins adaptés à la population, actions d’insertion dans tous le domaines, en prenant appui sur les associations, les conseils de quartier.

L’égalité sous condition

En ce début de XXIe siècle marqué par la crise économique et par la défiance politique, comment comprendre le hiatus persistant entre l’égalité de droit proclamée par le pays des droits de l’Homme et les inégalités sociales et économiques qui le caractérisent ? L’enjeu de ce débat est d’analyser ce qui résiste à l’application du principe d’égalité à celles et ceux qui ont été exclu.e.s historiquement et théoriquement de la fraternité républicaine, à savoir les femmes et les « non-blancs ». Il pose pour cela la question du sens du principe d’égalité, de ses justifications publiques, et des moyens à mettre en œuvre pour l’atteindre. L’analyse croisée de rapports, de discours, de données quantitatives et d’enquêtes qualitatives montre qu’en transformant les facteurs d’exclusion, puis de discrimination, en facteur d’inclusion, la promotion de la parité et de la diversité porte une égalité sous conditions de performance de la différence pour les « non-frères ». Afin que l’égalité retrouve un sens et une épaisseur politique, n’est-il pas temps de comprendre qu’elle est devenue un marqueur de respectabilité et de légitimité, instrumentalisé pour « enchanter » le tournant néolibéral ?

Réjane Sénac est chargée de recherche CNRS au Centre de recherches politiques de Sciences Po – CEVIPOF. Elle a notamment publié L’invention de la diversité (PUF, 2012), L’ordre sexué – La perception des inégalités femmes-hommes (PUF, 2007) et le « Que sais-je ? » sur La parité (PUF, 2008). Elle vient de publier, aux Presses de Sciences Po : « L’égalité sous conditions: genre, parité, diversité ».

Militante associative et féministe de longue date, Monique Dental a fondé au milieu des années 1970 le Collectif Féministe « Ruptures ».  Dès 1986, cette association a initié des pratiques paritaires dans le Mouvement Arc-en-Ciel. A partir de 1993, elle a coordonné les actions du premier collectif féministe « Femmes pour la Parité », puis celles du « Réseau Femmes et Hommes pour la parité. Au cours de son expérience professionnelle dans l’institution des Droits des Femmes, elle a été chargée de la mise en place du premier Observatoire de la parité en 1996 et 1997. Pour le Réseau Féministe « Ruptures », l’exercice d’une vraie parité femmes-hommes dans toutes les prises de décision politique, sociale, économique et culturelle symbolise « l’utopie d’une nouvelle citoyenneté ».

L’utopie d’une nouvelle citoyenneté

« L’utopie d’une nouvelle citoyenneté », pour le Réseau Féministe « Ruptures », symbolise l’exercice d’une vraie parité femmes-hommes dans toutes les prises de décision politique, sociale, économique et culturelle. Monique Dental retrace ici les moments forts des luttes pour l’égalité des droits qui ont abouti à la Loi sur la parité en 2014 sans pour autant donner satisfaction aux organisations féministes. Les luttes pour l’égalité sont passées de la revendication des quotas, à la revendication des parités, et à l’élargissement de la parité à toutes les questions sociales, au-delà de la parité politique. Elles ont été liées à de multiples débats philosophiques et juridiques. En posant la question de la parité comme concept ou moyen elles ont opposé la conception universaliste à la conception essentialiste de l’égalité des droits et cette question n’est toujours pas tranchée aujourd’hui. En effet la question de l’égalité des droits reste aujourd’hui un postulat de départ mais ne donne aucun moyen concret pour répondre à l’aspiration d’une prise en compte réelle des situations des femmes et de leurs volonté de participer pleinement à la vie politique ou associative ou à agir dans la société. C’est dans ce sens que les associations féministes considèrent la Loi « dite de » parité, votée en 2014 insuffisante pour créer une dynamique de renouvellement politique et un changement réel de société.

Monique Dental a fondé le Collectif Féministe « Ruptures ». Elle a coordonné les actions du premier collectif féministe « Femmes pour la Parité », puis celles du « Réseau Femmes et Hommes pour la parité.