Après Sanders,
quelles perspectives pour la gauche étatsunienne ?
Pendant près de cinq ans, Bernie Sanders a été le porte-drapeau de la gauche aux États-Unis. Lorsqu’il a annoncé sa candidature à la présidence en 2015, peu de gens pensaient que sa campagne serait autre chose qu’un simple geste protestataire. « Bernie » se décrivait comme un « socialiste démocratique » et invoquait une « révolution politique », ce qui le situait tout à fait au-delà des limites de la politique américaine traditionnelle. Il n’était même pas officiellement membre du parti démocrate, dont il aspirait à la nomination. Cinq ans plus tard, au début de l’année 2020, il a été, pendant un certain temps, le candidat démocrate le mieux placé.
Lors des primaires démocrates de 2020, il a d’abord obtenu de bons résultats dans les premiers États à entrer en lice. Après avoir fait match nul dans l’Iowa, il a remporté les primaires du New Hampshire et a de nouveau triomphé dans le Nevada, où il a démontré l’ampleur de son soutien auprès de l’électorat populaire hispanique. À ce stade, les pronostiqueurs politiques le considéraient comme le vainqueur le plus probable des primaires. Mais, fin février, Joe Biden, l’ex vice-président de Barack Obama, généralement considéré comme un démocrate modéré, a gagné en Caroline du Sud, premier scrutin à impliquer un électorat afro-américain substantiel. En quelques jours, la plupart des autres candidats démocrates encore en lice ont renoncé et, le 3 mars, une journée connue aux États-Unis sous le nom de « Super Tuesday » (Super Mardi) parce que de nombreux États organisent ce jour-là des primaires simultanées, Biden l’a emporté. Les perspectives d’investiture de Sanders se sont évanouies. Pendant toute la durée de sa candidature, Bernie a démontré que le nombre des électeurs étatsuniens favorables à un programme politique de type social-démocrate[1] était bien plus élevé que ce presque tout le monde croyait, mais aussi qu’il n’était pas suffisamment élevé pour garantir la conquête du parti démocrate. Même si Sanders est trop âgé pour envisager une nouvelle candidature, son demi-succès aura des conséquences durables. Dans une large mesure, il a remporté la « bataille des idées » au sein du parti, déplaçant ainsi ce dernier sensiblement vers la gauche. Reste à savoir comment les organisations de la gauche étatsunienne doivent aujourd’hui poursuivre leur combat, une question amplement sujette à débat.